LIBAN. 🇱🇧 6 - Man'ouché, tu nous tiens.

 Lundi 20 février 2023, cela fait dix jours que je suis arrivée à Beyrouth. On commence à prendre nos marques avec les filles. On se repère un peu dans la ville. On a une meilleure idée de ce que l'on pourra faire et on commence à planifier. Laissez-moi dès lors revenir sur ces quelques derniers jours...




Mercredi 15 fevrier, au lendemain de mon dernier article, la maladie ayant pris trop d'ampleur et commençant à m'inquiéter, je décide de me reposer tout la journée. J'appelle ma grand-mère, qui s'inquiète évidemment, et me fait promettre d'appeler un médecin pour consulter dans la journée. Alors je contacte Pierre Atallah de l'AUST, il me renvoie au médecin de l'école et celui-ci me prescrit des antibiotiques pour sept jours. Je me repose, je lis, je dors, beaucoup. Je dors presque toute la journée. Le soir, nous avions prévu d'aller au Rocher des Pigeons (Al Raouché). Finalement, nous irons demain. Comme les filles ne sont pas sorties de la journée non plus, elle parte en balade de quartier en fin de journée. Moi, je me rendors. À mon retour, elles débarquent avec trois énormes gauffres au Nutella. Je me sens tout à coup beaucoup mieux. On déguste ce petit bout de bonheur. Difficile à terminer car le cuisinier a vraiment mis la dose de Nutella. Mais qu'est-ce que c'est bon!! La journée se termine tranquillement, nous ne nous couchons pas trop tard.

Jeudi 16 février 2023, c'est notre premier jour de cours. Lever 7h, nous ne nous en rendons pas compte, il fait déjà tellement jour ! Nous trouvons la salle sans peine. 8h, US Foreign Policy. Le professeur est un revendicateur, un protestateur, il nous encourage toutes les dix minutes à réaliser une pétition contre l'AUST sur un sujet précis. Il n'a pas l'air de beaucoup aimé la politique étrangère des États-Unis non plus. Introduction faite, nous terminons le cours 45 minutes en avance. Pour un cours de 1h15, cela fait beaucoup. C'est très étonnant d'ailleurs mais nous n'avons que des cours de 1h15. Donc cinq heures de cours le mardi et le jeudi (quatre matières calées aux mêmes horaires). Pendant la pause, nous nous posons au soleil. 9h30, deuxième cours : Psychology pour moi. Les filles ont "Conflicts studies". Si nous étions vraiment peu dans la première classe, huit ou neuf dont deux suivant le cours en ligne, la classe de psycho est quant à elle remplie. Il y a des étudiants de tous âges et de toutes spécialités (mécanique, ingénierie, sciences sociales, médicales, etc.). La professeure galère un peu avec le projecteur. L'AUST impose de diffuser le cours en ligne et d'enregistrer ce cours pour les étudiants internationaux en distanciel ou les absents. C'est plutôt pratique si nous loupons quelques cours avec les filles. Ce qui est moins cool, c'est la panne d'électricité qui éteint le projecteur et l'enregistrement au milieu du cours. La prof est dégoûtée. Sinon, le cours a l'air passionnant ! J'ai hâte d'en découvrir plus et d'approfondir le manuel. Par contre, je commence à voir que beaucoup de travaux sont demandés et ce n'est pas quelque chose dont nous avons l'habitude à Espol. Chaque matière requiert notamment un "projet", qui est un papier de recherche de 10-15 pages sur un sujet en lien avec l'enseignement. S'ajoutent à cela des dissertations, des quizs, des analyses. Ainsi que trois périodes d'examens... Les étudiants d'espol en échange au semestre dernier n'ont pas beaucoup travaillé et ont eu de supers notes. Mais me connaissant je risque de vouloir tout faire de manière appliquée et impliquée. Nous verrons.
Puis, à la fin du cours vers 10h45, je goûte un man'ouché de l'université. Et oui, en plein milieu du campus se tient un petit cuisto de man'ouché. Et je dois dire qu'il s'agit peut-être du meilleur man'ouché de la ville ahaha. Il me sert un saj (pain plat) énorme, plié en deux, rempli de fromage. En le goûtant, Victoire en fait tomber partout parterre et sur mon pantalon. Mais qu'est-ce que c'est bon!! Il y a tellement de fromage. Je me régale. Wow. Les filles n'ont pas encore très faim (logique, il est encore tôt) et préfèrent attendre d'en prendre à la fin de nos cours à 15h. Mauvais choix, car à 15h, le man'ouché est fermé et elles optent alors pour des sandwichs. On apprend qu'un de nos quatre cours est en ligne... c'est dommage. Alors à 12h45 nous suivons Human Rights depuis la terrasse, au soleil. Dure la vie. La professeure et le cours ont l'air très bien, mais encore une fois je ne comprends pas toutes les modalités d'évaluation. Notamment un oral qu'attend la prof. Il va falloir que je lui redemande. Mais comme ces cours me passionnent ! Puis nous terminons la journée avec History of Lebanon. Et encore une fois, le professeur est top. Il ne veut pas que nous pensions aux notes, il souhaite seulement que nous prenions plaisir à apprendre et que nous échangions en cours. Ça donne un résultat très interactif et qui donne envie de venir au prochain cours. Ainsi, je suis ravie de ma première journée de cours. Ce qui me déçoit seulement c'est que nous sommes les seules exchange students et que rien n'est donc prévu pour nous. À l'AUB ou l'USJ par exemple, les étudiants internationaux sont nombreux et nous les croisons souvent en groupe dans la rue. Pour nous, difficile pour ainsi dire, de rencontrer facilement du monde. Un étudiant de l'AUST nous aborde pourtant et répond très gentiment à nos interrogations après que nous ayons répondu aux siennes. Il finit par nous donner le numéro d'un professeur d'arabe qui pourrait nous donner des leçons de manière hebdomadaire. Shukrane.

Vers 17h, juste avant le coucher du soleil, nous sortons de la maison pour aller voir Al Raouché. Nous ne tardons pas à trouver un taxi. Nous négocions 300 000 lira au début de la course (=4€), puis il fait monter le prix à 400 000 dans la voiture. Nous acceptons, voyant que nous en aurons pour 20 minutes de trajet et que cela peut être un juste prix. Puis à la fin il négocie même pour 600 000. Là, on dit non. Lorsque l'on sort, les lumières sont splendides. La vue est imprenable. Al Raouché est beaucoup plus impressionnant en vrai. Comme ça fait du bien de voir la mer ! Nous descendons sur un petit chemin qui borde l'eau. Nous profitons du moment. Il y a un pêcheur. Il y a des bateaux. Il y a des couples et des amis posés là. Nous avons loupé le coucher du soleil. Mais le spectacle est beau tout de même.






Nous remontons sur l'esplanade, il y a du monde de sortie. C'est un quartier très riche. Les restaurants ont l'air luxueux, pourtant, lorsque nous regardons les prix, ils sont relativement équivalent aux prix moyens en France. Nous reviendrons. Puis, nous décidons de marcher jusqu'à une rue connue pour ses bars dans le quartier de Mar Mikhael. Il fait nuit mais la marche apaise. Nous longeons la côte. Pendant près d'une heure et demi, nous découvrons la ville de nuit. Les taxis n'arrêtent pas de nous klaxonner. Non merci, nous marchons ce soir. Toutes les rues ne sont pas éclairées mais jamais nous ne nous sentons en insécurité. C'est que nous évitons les mauvais quartiers. A l'entrée de la fameuse rue, nous nous arrêtons à un man'ouché. Au thym pour moi (kaftar) et au fromage pour les filles. Le cuisinier est très chaleureux, il nous propose d'y ajouter des crudités. Volontiers. Puis il nous pose tout un tas de questions mais reste bloqué longtemps sur une : pourquoi venons-nous au Liban, ce pays en crise et qui n'a plus rien à offrir. Il est vrai que la crise est omniprésente. Le soir notamment, il n'y a que les gens aisés qui se permettent de sortir. Même la journée les rues ont l'air vidée de leur fréquentation d'antan. Tout le monde en parle, tout le monde sent que ça va mal et que le pire est sûrement à venir. Notre professeur de Foreign Policy ce matin même a commencé en nous disant : "Nous ne sommes pas sûrs de pouvoir terminer le cours, mais au moins, commençons le ensemble." Puis il nous a regardé avec Philippine et Victoire et a ajouté "ne vous inquiétez pas, nous prendrons soin de vous". Qu'est-ce que cela veut dire ? Tout le monde parle de multiplications de manifestations mais nous ne voyons rien dans les rues. Les élections municipales approches mais nous voyons peu d'espoir et peu de mobilisation. Toujours pas de président, pas de gouvernance, quelle issue ? Samedi, alors que nous marchons avec un groupe de libanais, une dame nous dit en anglais "je viens de leur demander de parler en arabe, car ils évoquent la corruption et je ne veux pas que vous entendiez cela sur notre pays". Alors quoi ? Faudrait-il que nous soyons dans le déni ? Certains nous alertent, d'autres ont honte de la situation. Et ce cuisinier qui nous sert nos man'ouchés ce soir là est dans l'incompréhension. Pourquoi nous, ici.




Nous rencontrons un groupe de jeunes, dont une anglaise. Ils nous invitent à boire un verre. Nous répondons que nous verrons plus tard. Le cuisto nous déconseille le bar en question, alors nous nous dirigeons vers un autre. Nous terminons la soirée dans un bar dansant. La sangria est succulente. La musique arabe entraînante. Le DJ s'assure toutes les dix minutes que ses choix sont bons, il craint ne pas proposer suffisamment de chansons européennes. Mais non monsieur, tout nous va très bien. Trois anniversaires s'enchaînent, avec la musique Happy birthday à chaque fois. Un groupe de libanais à notre droite fête les 33 ans d'un des leurs. Ils nous offrent des shots, prennent des photos. C'est fou comme il est facile de se faire payer des verres quand l'on est un groupe de filles. La soirée est super mais nous déclinons l'After proposé par le groupe. Ils ne sont pas insistants mais je n'aime pas cette ambiance, leurs attentes en nous payant des coups. La soirée était sympa, et c'est très bien si nous nous arrêtons là. La note est salée quand à elle. Nous rentrons en marchant, rencontrons Ali qui se prend en selfie sur le coin de la rue. Nous discutons rapidement avec lui et voilà que nous avons un nouvel ami. La marche nous fait du bien, nous rigolons beaucoup avec les filles et nous sommes fières d'avoir fait autant de kilomètres ce soir. Nous sommes de retour vers 2h du matin à la maison.

Vendredi 17 février, lever à 8h. Nous allons en effet retrouver Pierre Atallah à l'AUST afin qu'il nous donne le plus de conseils possibles avant de partir en Allemagne. Nous passons ainsi près de deux heures avec lui et d'autres employés de l'AUST, dont M. Ziad le responsable de la vie étudiante. Nous repartons avec une liste entière de choses à faire au Liban, à manger, à visiter. Ainsi qu'avec des cartes étudiantes, avec lesquelles nous espérons tirer des réductions. 12h45 nous suivons un cours de rattrapage de Human rights. Encore une fois très intéressant et interactif. Puis nous restons tranquilles à la maison ou dans le coin. Ce soir, nous avons du poulet et ça nous rend amplement heureuses. C'est Victoire qui se met aux fourneaux. Poulet, curry, crème, riz, un délice. Nous récupérons un maximum d'énergie pour le lendemain.

Samedi 18 février en effet, nous nous levons à 6h du matin pour une randonnée au nord de Beyrouth, entre Jounieh et Byblos. J'avais en effet trouvé un groupe sur les réseaux sociaux, conseillé par un étudiant d'ESPOL: hike more, worry less. Nous sommes une trentaine au point de rencontre sur la place des martyrs, juste à côté de la grande mosquée. Majoritairement des seniors. La matinée se passe en douceur, à un rythme permettant de regarder en détails le paysage et les ruines romaines que l'on croise. Le guide insiste sur le chemin que nous empruntons et qui date des phéniciens, puis qui a été agrandi par les romains. Je suis étonnée de voir la mer d'un côté, puis la neige de l'autre. Jai l'impression que le coin est sous contrôle du Hezbollah. Mais comme le sujet est sensible, nous n'osons demander. Hélas nous n'étions pas prévenues qu'il fallait emporter à manger. Alors nous attendons le retour à Beyrouth vers 15h pour déguster enfin un man'ouché (deux plutôt, car nous craquons en deuxième lieu pour un man'ouché Nutella banane). Les gens du groupes nous parlent facilement, ils sont pour la plupart libanais, mais expatriés. Ils ont presque l'air encore plus touristes que nous et se prennent en photos partout ahaha. Il fait bien beau, même si je ressens le froid. À deux reprises nous nous posons dans l'herbe au soleil, et le soir, nos joues sont toutes rougies. En fin de journée, nous restons tranquillement à la maison, et planifions les semaines à venir, nos voyages dans la région. Nous avons des rêves plein la tête et espérons en réaliser quelques uns.






















Dimanche 19 février 2023, nous nous levons sans pression vers 10h. Et nous rendons à l'hippodrome de Beyrouth comme prévu. La première course est à 13h05. En arrivant, nous sommes étonnées par le monde. La foule est beaucoup plus dense que je ne l'aurais pensé. Là est la vie de Beyrouth. Ou plutôt, là sont les hommes de Beyrouth. Nous sommes dévisagées par chacun d'entres eux. Peut être autant parce que nous sommes des femmes que parce que nous sommes étrangères. Sans gêne, nous demandons à un policier comment aller sur les gradins ensoleillés du haut. Il nous conduit à des escaliers et nous faisons la route jusqu'à une terrasse en hauteur. Là, les gens parient à tout va. On sent la tension dans l'air. Nous trouvons des chaises bien placées. Et nous attendons le début de la course. Les cheveux et leurs jockey approchent, ils sont impressionnants. La course passe vite mais tout le monde est à fond. Un homme devant nous est fou de joie d'avoir réussi son pari. Il commence à nous parler, tombe amoureux de Victoire et nous entraine pour effectuer notre premier pari. Il est certain que le numéro 2 va gagner à la prochaine course. Alors nous lui faisons confiance. De retour à nos chaises, il continue de parler à Victoire, à lui proposer de nous faire visiter le pays avec ses plus belles voitures, ses chauffeurs. Il propose même à Victoire de l'aide lorsqu'elle sera de retour à Paris car il a de nombreux contacts là-bas. C'est très insistant. Puis la deuxième course démarre et le cheval numéro 2 ne gagne pas. Il est en tête tout au long du circuit mais se fait rattraper à la fin. Dommage, pari perdant. Le gars insiste toujours auprès de Victoire. Il argumente par ailleurs qu'il se présente aux élections municipales de Beyrouth cette année. Ça, nous n'en sommes pas sûres. Quoi qu'il en soit nous finissons par quitter l'hippodrome. Toute la journée, le libanais tentera de contacter Victoire en lui envoyant des photos de voitures de luxe, des suggestions de dîners, etc. Très peu pour nous, merci.





Sur le retour, nous nous arrêtons à un man'ouché du coin. Je le choisis au Lebneh (fromage frais) avec crudités. Il est incroyablement bon. La pâte, épaisse cette fois-ci, est une des meilleures que j'ai goûté jusqu'alors. Surtout, le prix est halluciant et nous avons du mal à y croire. 40 000 lira pour moi, soit 50 centimes. Miam. Nous reviendrons, assurément. Ce soir, nous sortons de nouveau dans la rue des bars. Sans excès, nous passons une soirée à discuter toutes les trois. Et nous rentrons à pieds par des coins qui commencent à nous être familiers.




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