LIBAN. 🇱🇧 9 - Rêve éveillé ?! [Tripoli, Baalbek, Byblos]

 Je n'ose pas l'écrire. Et pourtant, ça me brûle les lèvres. "Je vis un rêve éveillé", me répétais-je en boucle. Je vis un rêve éveillé. Je passe mes journées à faire ce que j'aime. Je prends le lead de mon emploi du temps. Je me sens libre, libre plus qu'il n'est permis de l'être. Les réveils me sont agréables. Les couchers me le sont d'autant plus. Et pourtant, qu'en est-il de ce si beau pays qui m'héberge ? Qu'en est-il ? Je vais bien, mais le Liban va mal. Que suis-je censée faire ?




Cela fait trois semaines que je n'ai pas pris le temps d'écrire. Loin de manquer d'inspiration, car parfois, en faisant la vaisselle, des phrases et des sujets me viennent en tête, l'explication tient probablement de mes journées qui se remplissent en conséquence d'une adaptation réussie. J'aime écrire, mais quand j'ai enfin du temps pour satisfaire ce plaisir, je prévois de nouvelles sorties, je lis, je regarde une série. Je prends le temps maintenant.



Découvertes

~Tripoli
Je nous ai laissés la veille de notre visite de Tripoli. Aboud, rencontré sur le site d'Offre Joie à Beyrouth, vit à Tripoli et nous y convie en ce dimanche 5 mars. Après une grosse soirée du samedi soir au matin, nous nous levons non sans peine vers 9h pour retrouver Tangui, un autre volontaire de l'association. C'est avec lui que nous prenons notre premier van collectif. Pour cela, nous nous mettons sur le bord de la route dans l'attente qu'un d'entre eux passe et s'arrête pour nous récupérer. Nous lui donnons notre destination, "daoura", un carrefour de routes importantes. Et nous voilà partis. C'est aussi simple que ça. À Douara, nous réitérons le processus, nous demandons au chauffeur s'il se rend à Tripoli et nous montons à l'arrière. Au Liban, les vans collectifs font des allers-retours entre le sud et le nord. Il n'y a pratiquement qu'une grosse autoroute, de Tyre à Tripoli. Sur le trajet, c'est à nous de demander au chauffeur de s'arrêter. Après environ 1h de trajet, pour 1$, nous débarquons au sein de "la ville la plus pauvre du Moyen-Orient", "la plus dangeureuse". Beaucoup de personnes nous ont déconseillées d'y aller en ces temps. La crise a généralisé la violence, d'après leur dire. Mais nous faisons confiance à Aboud et le retrouvons quelques minutes plus tard, alors que nous dégustons déjà un très bon chawarma.
Aboud a prevu tout un programme pour nous! Pour commencer, nous allons faire un tour en bateau. L'ambiance est bien différente de celle à laquelle je m'attendais. Le bord de mer est calme, ensoleillé. Les enfants jouent, les parents fument le narguilé. Tout le long de la promenade, les loueurs de voiturettes électriques, de vélos, de rollers s'enchaînent. Je tourne la tête et des jeunes plongent dans l'eau. Là-bas, d'autres partent en jet-ski à toute vitesse. Aboud a envie de nous parler, et nous aussi. Mais la barrière de la langue se fait de nouveau ressentir. Nous nous sourions tous les quatre, et ça veut déjà beaucoup dire.
Nous embarquons dans un petit bateau pour 1$ chacun. Bien moins que les 15$ payés par Tangui lors de sa dernière venue. C'est que l'art de la négociation n'est pas donné à tout le monde ahaha. Quelques autres personnes montent à bord. Puis nous partons, et cela fait du bien de prendre un peu le large. L'air est frais. Nous naviguons jusqu'à croiser une petite île faisant office de plage au milieu de la mer. Puis une deuxième, sur laquelle descendent ceux de notre embarcation. Puis nous repartons, et rentrons tranquillement. Aboud ne perd pas son sourire, nous non plus. Il a l'air rassuré de voir que nous apprécions l'activité proposé. Évidemment que nous en sommes ravis! À notre retour, il commande deux chichas double pomme (narguilés), et nous nous posons à une table au bord de l'eau. À plusieurs reprises, il m'écrit sur Google Traduction : "Je ne verrai plus jamais une telle beauté", "Tes yeux sont magnifiques", "Quels beaux cheveux", "Je suis heureux d'être avec toi", "Est-ce que tu veux des bonbons?"... heuuu quoi? Ah non, d'accord, il nous pointe du doigts un vendeur de sucreries non loin. Mais non merci, tout va bien. Tamem.
Nous nous rendons ensuite à un petit "restau". Aboud commande des shawarmas au poisson pour Tangui et lui-même. Il est extrêmement déçu (triste) de voir que nous n'en souhaitons pas. Nous avons en effet suffisement mangé avec nos derniers shawarmas. Il pensait de nouveau nous faire plaisir, surtout que lui n'a pas vraiment les moyens de se le permettre normalement. Nous repartons en direction du centre-ville, d'apparence beaucoup plus pauvre déjà. Nous nous rendons bien compte que nous évitons les quartiers véritablement en survie mais cela est assez frappant sur notre passage tout de même. Avant d'entrer dans le souk, nous retrouvons Abderayn, le grand frère d'Aboud. Aboud est très timide avec nous, surtout "en ma présence" me dit-il. Son frère quant à lui est beaucoup plus extraverti. Nous venons de le rencontrer mais déjà il court de partout, avec hâte et grande joie de nous faire découvrir sa ville. Une énergie comme telle est rare, et si bienveillante. Alors nous le suivons dans sa course folle. Passons par de grands étalages vides (car ouverts seulement le matin), par de petites rues, de grandes places, nous montons quelques escaliers pour débarquer dans un atelier de savons artisanaux tenu par un couple "de vieux". Très chaleureux, ils nous encouragent à sentir les savons un par un. J'opte finalement pour ceux à la menthe. Quelle odeur! Un moment, Abderayn donne son téléphone à Aboud afin qu'il nous filme. Il organise toute une mise en scène. Il nous fait bien rire en faisant tomber quelques pétales de rose sur trois savons en contractant son biceps pour la vidéo, avant de nous les offrir. Évidemment, lorsque la vidéo est terminée nous devons rendre les savons aux artisans car ils n'ont pas été payés. Abderayn est coach sportif/sportif sur les réseaux sociaux. Il n'en loupe pas une pour mettre en avant sa musculature. Et son humour inébranlable. Puis il reprend sa course, nous passons par-ci, par-là, débarquons dans d'anciens termes qui fonctionnent toujours. Nous ne nous attendions absolument pas à atterrir dans un tel endroit! Là, nous sommes traités comme des rois. Nous sommes recouverts de foulards, servis en thés, et pris en photo de tous les angles. Encore une fois, importante mise en scène, la fontaine au centre de la pièce est allumée, la lumière tamisée, les clichés démultipliés. Nous souhaitons seulement profiter de l'instant mais voilà que l'on nous fait entrer dans l'espace terme et que de nouveau l'on nous prend en photo partout, tout le temps. On finit par dire "jhalas" et ils comprennent bien que les photos, ce n'est pas ce qui nous importe le plus.
Le lieu me marquant d'autant plus se trouve au-dessus d'une petit place. Calme, au milieu du tumulte. Abderayn demande à un local une clé pour un passage secret. Nous le suivons sans savoir où nous mettons les pieds, grimpons quelques escaliers dans le noir, passons quelques portes et enfin, ressortons sur les toits de la ville, à la vue du soleil couchant. Quel moment. Comme il m'est précieux. Je sens les larmes me monter aux yeux. Ce soleil, cette vue, cette tranquillité, ce dépaysement. Nous restons silencieux, appréciant l'instant présent. Des oiseaux passent au dessus de nous. Un tripolien siffle et voilà que les oiseaux font demi-tour. Abderayn est comme un fou, impressionné, il demande au monsieur de réitérer. Voilà que celui-ci se remet à siffler, une fois, dans un son sec et fort, et les oiseaux tournent à 180°. Puis, le grand frère ramasse quelques fleurs jaunes alors que nous avons le dos tourné, donne de nouveau son téléphone à Aboud pour filmer. Et il nous met derrière l'oreille chacune une fleur colorée. Je lui en mets une à mon tour, puis nous redescendons. Je n'ai pas envie de redescendre pourtant. Cette vue me fait du bien. Nous nous sentons loin de tout et notre regard se perd entre les toits.
La journée vient à sa fin. Alors que nous assistons à un spectacle de clowns sur la place principale, Aboud nous offre de petits gâteaux au sésame. Un pur régale. Qu'il est impressionnant de voir cette résilience au sein du peuple en crise, ces rires d'enfants mais surtout de grands face à ces jeux de mimes...
Nous récupérons un van collectif et nous rentrons sur Beyrouth. En 3 heures cette fois-ci, trafic routier oblige.



























~Baalbek, la Bekaa
Un samedi nous nous sommes rendues dans la vallée de la Bekaa avec un employé de l'AUST, Zyad, qui nous y a très généreusement conduites. Baalbek en est la ville la plus connue par les touristes. Elle habrite un fameux site archéologique classé au patrimoine de l'Unesco. Moi qui suis ordinairement peu attirée par ces monuments, je me plais finalement à me poser au milieu du temple de Bacchus, dieu du vin, en ce samedi matin. Comme c'est impressionnant ! Puis nous reprenons la route, enchainant les contrôles militaires (la région est sous contrôle du Hezbollah, par ailleurs). Nous dégustons une nouvelle spécialité dont j'ai malheureusement oublié le nom. Victoire tente d'en réaliser quelques uns. En vain. Il faut un sacré coup de main.
Zyad nous conduit ensuite à une des deux caves de vin les plus réputées. Château Ksara, l'autre étant Kefraya. Nous assistons à une courte visite puis dégustons trois vins. Vin rouge, rosé, blanc. Nous offrons une bouteille de rosé à Zyad à la fin. Il nous fait ensuite découvrir un lieu où se prépare le Lebneh, une sorte de fromage frais dont je me régale avec un man'ouché. En partant ce matin d'ailleurs, Zyad nous a proposé un stop petit-déjeuner au bord de la route. Il nous a offert à toutes les trois une sorte de pain pita au fromage frais et au miel. La surprise du goût passée (il ne nous avait pas dit ce dont il s'agissait), je me suis régalée. Les filles ont fait bonne figure mais ont eu bien du mal à finir. Surtout à cause de la texture. J'en reprendrais bien un !
Dans ce lieu de fabrication de Lebneh, nous rendons visite aux vaches et aux oiseaux. Puis nous faisons un tour du parc, contournant un petit point d'eau. Encore une fois, cela me fait du bien de voir de la nature. Tous les trois se moquent lorsque je leur fais part de mon envie de faire un câlin aux arbres. Cette connexion à la nature, comme elle est importante. J'espère convertir les filles à cette énergie naturelle d'ici la fin du semestre !
Nous faisons également un stop dans la ville de Zahle, qui étonnement me fait penser aux villes françaises. Pour une fois, il y a des passages piétons ! Et des petits commerces. Le coin reste relativement vidé de sa population tout de même.











































~ Anfeh
Le lendemain, nous retrouvons Louis, chez qui nous avons déjà passé quelques soirées, afin de nous rendre à Anfeh. Nous prenons une seconde fois les vans collectifs jusqu'à nous arrêter au bord de la route près du village portuaire. Nous marchons pour un temps. Puis nous découvrons une jolie plage que nous longeons. Objectif : trouver un restaurant au bord de mer. Sans trop tarder nous nous installons pour déguster un mezze. Louis insiste pour commander une sorte de houmous à l'aubergine. Lorsque le plat arrive, il est infect. Même lui le confirme. J'ai comme l'impression de manger dans un cendrier. Les pommes de terres, quant à elles, sont bien bonnes. Pour l'après-midi, nous nous posons sur une terrasse de restaurant vide, au dessus de l'eau. Je me baigne sans plus tarder. Comme l'eau est bonne! Je ressens tout de suite ce bonheur d'être dans l'eau. Une eau claire et plate. Je m'éloigne du bord, me prélasse en étoile, écoute le bruit des profondeurs. Je perçois des poissons non loin de moi. Victoire se met à l'eau, mais remonte peu de temps ensuite. Philippine fait une sieste. Louis aussi, un peu enrhumé de la veille. Je remonte finalement, enregistre le son du clapot de la mer avec Robert mon enregistreur, puis me prélasse à mon tour au soleil. Le temps passe, nous souhaitons qu'il s'éternise. Nous allumons l'enceinte et faisons quelques jeux de cartes. La vie paraît si simple. Comme un songe.









~ Byblos
Nous découvrons Byblos enfin. Seulement toutes les trois cette fois-ci. Byblos est également une ville portuaire mais bien plus vibrante de touristes que Anfeh. Après avoir passé le souk, très agréable, mais tellement touristique (il y a peu de monde, mais ceux que nous croisons n'ont pas l'air du coin), nous faisons un tour par le vieux port et ses bateaux de pêcheurs. Nous mangeons un mezze dans un restaurant totalement vide. Peut-être le ramadan y est pour quelque chose. Je pense que la crise y est pour beaucoup plus. Le coin est très sympa par ailleurs. Abrité par quelques arbres. Convivial et ouvert. Victoire craque pour un Hamburger. Nous nous régalons. L'après-midi nous visitons le site archéologique phénicien, romain, byzantin, ottoman... classé au patrimoine de l'Unesco. Puis nous terminons la journée au bord de l'eau. À rire, toujours, et à remercier la vie pour ses surprises.














Rencontres

Ces dernières semaines ont également été animées par de nouvelles rencontres. Nous avons passé une super première soirée chez Louis et Océane le soir de mon dernier article. Là-bas nous avons rencontré d'autant plus de monde. Français, Libanais, Espagnols, Allemands, etc. Les jours qui ont suivi nous en avons revu certains, avons de nouveau été invitées pour quelques soirées à Mar Mikhael ou chez Louis. Nous avons passé quelques soirées dans des bars du quartier, admiré les tours de magie d'un barman en particulier, enregistré toujours plus de dingueries sur mon dictaphone Robert. Nous avons commencé des cours de dialecte libanais à la maison avec un professeur particulier, galérant avec Romain et Oscar les deux autres lillois de l'AUST. Nous avons passé une soirée avec des marins français, Raphaël, Corentin et les autres de leur équipage, avons été dans notre première boîte libanaise dont l'entrée se fait par un ascenseur à l'apparence de cage. Comme si nous étions des animaux sauvages. Et en effet, de pauvres bêtes salivaient presque à la vue de ces nouvelles gazelles qui débarquaient dans la savane. Pauvres bêtes répétais-je, mais nous avions nos bodyguards. Boîtes par ailleurs réservées au +21 ans mais ce n'est pas si difficile de passer quand on a l'apparence de gens qui ont de l'argent. Facilitée, évidemment, qui crée un gap profond au sein de la population.



Vie quotidienne

La vie à la maison se passe parfaitement bien. Victoire et Philippine sont plutôt faciles à vivre ;) On rigole bien. Nous vivons au 5ème étage d'un grand et moderne bâtiment, dans le quartier d'Achrafieh. Nous avons une cuisine, un salon, une salle de bain, une demi-salle de bain et trois chambres. De l'électricité au moins 20h par jour. Suffisement de gaz pour nous nourrir.
Lorsque nous sommes à la maison la journée, nous descendons régulièrement manger un man'ouché chez un restaurateur 500m plus bas. Le meilleur et le moins cher. Sinon, il nous arrive de plus en plus de commander un man'ouché ou un shawarma directement depuis la maison. La plupart du temps, une d'entre nous prépare à manger pour les trois. Pâtes au thon et à la crème, un de nos meilleurs repas. Patates sautées, très régulièrement. J'opte souvent pour du poulet, riz, et poivrons. Une fois par semaine nous passons aussi par les boîtes de conserve aux petits pois lentilles. Victoire est un glouton. Philou est super lente à manger. Les deux sont fan de sel. Moi, j'essaye de méditer sur la sensation de chaque aliment sur mes papilles gustatives. On se fout de ma gueule encore une fois. En fait, on se fout de la gueule de chacune. À la fin du repas, une d'entre nous fait la vaisselle. Pour le ménage, ce n'est arrivé qu'une seule fois, une fait la cuisine, l'autre le salon, la dernière la salle de bain. Tout roule.
Pour les courses, on fait régulièrement le plein de bouteilles d'eau. Mortel de boire au robinet, une recrudescence de choléra a été déclaré. Enfin, on se brosse les dents à l'eau courante mais il vaut mieux éviter d'en abuser. Sinon, on se rend une fois par semaine au Spinneys, un supermarché à 600m de chez nous. On y trouve de tout, les prix sont relativement équivalent à ceux en France. Hormis les fruits et légumes, beaucoup moins chers et que nous prenons souvent dans de petits commerces, et surtout, le chocolat, beaucoup trop cher. Ah si!! Les yaourts. Holala les yaourts, sacrée histoire. Philou et Vicou en raffolent. Alors, nous en prenons à chaque fois. Au moins 2 packs de 4 yaourts aux fruits et un  pack nature. Apparement, les premiers sont à 1€60 et le second à 60 centimes. Or, un jour, la note nous a paru plus salée qu'avant (60€=6 000 000 LBN). Je venais d'échanger 50€ et j'ai du abandonner tous mes billets en une fois 🥲. En regardant en détails le reçu d'achat, je constate que les yaourts avaient en réalité étaient achetés à l'unité !! Nous en avions donc eu pour plus de 10€ de yaourts. Du grand luxe. Bref, normalement, on ne fait pas d'excès.
Sinon, il n'y a pas de recyclage, et pas de boîtes aux lettres. Non, il n'y a pas de lien entre les deux, hormis le fait que ça témoigne d'un pays en manque de services qui nous semblent si basiques.
Le mardi et le jeudi nous nous rendons à l'université. Le midi (enfin, pendant notre pause à 11h...) nous dégustons un man'ouché du cuisto du campus. Un régal. Ensuite nous rentrons à la maison pour une heure de sieste avant de suivre un cours de Human rights en ligne. Nous retournons ensuite à l'université pour notre dernier cours de la journée, History of Lebanon. Les élèves sont toujours autant en retard.
Cette semaine, nous avons eu notre première période d'examens ! Nous avons passé presque 8 jours à ne penser qu'aux révisions et aux partiels. 4 matières donc 4 examens, sur 4 jours. Vendredi, lundi, mardi, mercredi. Human rights, le premier, s'est relativement bien passé. Nous avons été extrêmement surprises de voir qu'aucune salle n'avait été prévue pour nous et que nous avons ainsi été dans une avec des élèves d'autres spécialités. Optique et bio il me semble. Cela semble finalement normal et la chose s'est répétée à chaque épreuve. Les élèves parlent sans gêne, les téléphones (des surveillants aussi) sonnent, beaucoup trichent. Et même lorsqu'il sont surpris de triche, ils ont un "avertissement" informel, mais on sent bien qu'il n'y a pas de véritable sanction. De toute manière, je ne sais pas bien comment ils peuvent tricher. Nous avons à chaque fois seulement 1h30 pour rédiger 3 à 4 essais, plus des définitions et des qcm. Le concept est bien différent de nos partiels à Lille, pour lesquels nous disposons de 3 à 4 heures pour rédiger un essai approfondi. Là, je n'ai l'impression de ne faire que recracher des informations sans pouvoir réfléchir ou nuancer mes propos... je ne suis pas sûre que ça me convienne, mais c'est une autre manière de faire ! Le partiel de US Foreign Policy nous paraît notamment impossible à réaliser tant le professeur nous donne de consignes pour si peu de temps. En revanche, je suis très heureuse d'avoir eu 98/100 en psychologie (la professeure a corrigé en deux jours!!!).
Finis les exams, et qu'est-ce que ça fait du bien!! Nous en aurons de nouveau dans un mois, puis en juin pour les examens de fin d'année. Ça nous a quand même plus pris la tête que nous ne l'aurions pensé. Désormais, nous reprenons nos visites du pays, nos instants de liberté.



Redescendons un peu sur terre...

Jeudi, je me suis rendue dans un salon d'esthétique pour une épilation. Parlons de tout, c'est important. En arrivant, je précise que je n'ai pas de rendez-vous et demande s'il y a un créneau disponible. La dame me dit qu'il n'y a pas de problème, cela me coûtera 6 euros. Bon, très bien! Très économique (au moins 25 en France). Puis, elle me dirige vers un coiffeur en me disant que je vais commencer par me faire laver les cheveux. Très surprise, je lui dis que je n'en ai pas besoin (bien que mes cheveux ne soient pas très propres à cet instant là) mais elle insiste, surprise à son tour de ma surprise, en me précisant que c'est compris dans le prix. J'accepte. Une dame me lave les cheveux, sent que mon cou est particulièrement tendu, me fait un massage, et c'est vrai que ça me fait du bien. Et puis, je me dis, "mais merde alors, je pense qu'il y a eu un malentendu". Ma pensée est confirmé lorsque l'on me place ensuite devant un miroir et que le coiffeur me dit "Alors, quelle est l'occasion du jour? Quelle coupe souhaitez-vous?". Je le regarde, gênée. Je lui réponds "alors en fait il y a eu un malentendu, je venais seulement pour une épilation et je me suis retrouvée à me faire laver les cheveux 😬". Il s'immobilise un peu, gêné à son tour. Puis je lui dis "mais tant pis, l'occasion du jour est de passer une excellente journée !". Il me fait des boucles qui resteront trois jours. Et je dois dire que pour une première fois où je me rends chez le coiffeur (or le salon de ma tante), c'est vrai que l'on se sent bien lorsque l'on est bien coiffé. Enfin bon, ce n'est pas ce que je souhaitais initialement ! Alors je retourne à la caisse avec mes boucles blondes et parfaites, et demande si un créneau d'épilation est libre. Elle me dit qu'il n'y a pas de problème, et je suis prise en charge sans plus tarder par une estheticienne.
Pendant une heure, nous discutons de tout et de rien. Évidemment, surtout du Liban et de la crise. Lorsque nous sommes lancées sur le sujet, Mounia n'en change plus. Elle a besoin de parler, de pousser son coup de gueule, d'extérioriser. C'est que rien ne va plus. Du tout. La survie est généralisée. La souffrance des familles banalisées. Nous, les étrangers (et elle est absolument juste sur ce point et c'est en même temps difficile d'en déroger) sommes incapables de prendre la mesure du désastre. Nous vivons bien dans ce pays, répondons avec gaieté lorsque l'on nous demande si nous aimons le Liban "Ho oui! Quel pays! We love it!" Mais comment osons nous dire que nous aimons ce pays alors que nous n'en connaissons qu'une bien petite facette ? Comment même oser répondre ainsi à ceux qui le déteste du plus profond de leur âme ?
Nous ne connaissons pas le Liban et nous aurons du mal à le connaître, même après plusieurs mois, plusieurs années. Le Liban, c'est une catastrophe auto-dégénérative. Le taux de change est monté récemment à 1$=140 000LBN. Il n'y a pas de retour en arrière. Qu'une chute libre. Il y a peu d'espoir. Beaucoup de fatalité. Beaucoup de pauvreté. Beaucoup de malheurs.
Mounia me parle de sa difficulté à vivre, de son désespoir. Beyrouth est en fleur mais le pays est fané. "Il n'y a plus rien à faire. On se voit chavirer, et il n'y a rien à faire. Ce n'était pas comme ça avant." Il n'y a plus rien à faire. Il n'y a plus rien à faire. Le ministre de l'économie n'a même pas pris la peine d'organiser une réunion officielle avec le directeur général de la Banque du Liban. Comme s'il n'y avait rien d'urgent. Il n'y a peut-être plus rien d'urgent en effet, puisque les cartes sont jouées. Savez-vous qui est le propriétaire du grand Casino de Beyrouth ? La Banque du Liban. C'est vrai que dit comme ça, si le pays compte sur un casino pour faire tourner son économie, il ne va pas aller bien loin...
Mounia est sous antidépresseurs. Mais il n'y a plus de médicaments au Liban. Les pharmacies ont même été forcées de fermer trois jours cette semaine. Il faut aller en Turquie pour se fournir en médicaments. Mounia a envoyé son oncle en Syrie pour lui en chercher. Même là-bas, il y en a habituellemment. Hors, au milieu de ma séance, mon estheticienne reçoit un appel de son oncle. Hélas, cette fois-ci, il ne pourra pas lui ramener de réserves. Elle me regarde avec un air désespéré, achevée. Que va-t-elle bien pouvoir faire ? Sa dernière chance est d'en faire venir de France... mais y parviendra-t-elle ?

La situation est désespérée, et nous, nous passons du bon temps. Il est ecrit "Hope" dans les rues de Beyrouth. Mais quel espoir ? La livre continue de perdre de la valeur, l'inflation s'accentue, toujours pas de président. Que faire ? Comment réagir ? Je donne de l'argent à quelques personnes dans la rue. Mais beaucoup sont exploités par de plus grandes organisations. On donne si peu, et tellement dans le vent.
La situation est desespérée et moi je vous écris que "je vis un rêve éveillé". Je n'ose plus l'écrire.
Pourquoi la vie est-elle aussi injuste ?




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