NEPAL. 24- Kathmandu. Episode Final.

 Comme prévu, nous partons ce jeudi matin pour Kathmandu. Bye-bye Pokhara, ton ambiance paisible et bienveillante me manquera. Hello Kathmandu, tes rues bondées et tes majestueuses stupas.




Trajet de 10h, un bon temps, nous sommes surprises avec Fanny qui m'accompagne. Nous avons évité les 12-13 heures craintes. Je n'ai pas vu le temps passé, j'ai dormi, j'ai pensé. Et nous voici à destination, ma dernière destination, avant le dernier envol. Tout est passé si vite. J'aurais voulu vous raconter le magnifique hostel dans lequel nous avons logé avec ses milliers de drapeaux népalais, la rencontre hasardeuse avec Valentin (un autre Français que nous avions croisé à Pokhara et qui est bloqué à Kathmandu pour réparer une dent avant de repartir en treks). J'aurais voulu vous raconter ces superbes temples que nous avons visités avec lui et Fanny, la bonne bouffe aussi, les incroyables cours de yoga tous les 3 sur la terrasse de l'hostel, vu panoramique sur la ville pour se réveiller de bon pieds avec un prof toujours aussi étonné de notre manque de souplesse. J'aurais voulu vous raconter les retrouvailles avec Archie et Lars, la sortie au Stupanath où nous avons assistons à des cremations impressionnantes, des corps prenant feu en public. J'aurais voulu vous raconter aussi ces bananes pas mûres, ces endroits cachés que Fanny m'a fait découvrir en allant chercher son ordinateur (qui n'est d'ailleurs toujours pas réparé), ces négociations avec les chauffeurs de taxis, les vendeurs, ce massage des pieds qui nous a tant relaxés. J'aurais voulu vous raconter cette rencontre touchante avec une jeune femme népalaise en manque d'argent pour réaliser son souhait d'aider d'autres jeunes femmes à s'émanciper, et qui, pour y faire face, propose des séances de henné et des cours pour qui voulait. J'aurai voulu vous raconter enfin ces deux soirées karaokés qui sur le moment nous ont bien fait rigoler et ce dernier repas juste avec Fanny et Valentin, dans un petit restau du coin, des momos, kothey évidemment.

Et pourtant, pourtant, ce n'est pas ça qui m'inspire lorsque j'écris sur cette capitale de l'autre bout du monde.

C'est qu'il y a un aspect de mon voyage auquel j'ai pensé tout le mois mais que je vous ai évoqué trop peu de fois. Ces demandes en mariage insistantes, ces regards déplacés. Ces remarques sur mon physique, mes cheveux blonds, mes yeux bleus. Ces photos que l'on ne cesse de prendre de moi, seule ou avec des passants que je ne connais pas, des photos en paysage, en profile, des photos à la cascade de Gaunshahar, au Davis Fall, devant un temple à Kathmandu. Des photos de moi, de Fanny, ou de nous tous en même temps. Ces demandes en mariages encore une fois. Et puis les photos que l'on a prise de moi en maillot de bain, alors que je l'avais refusé et qu'en tournant la tête je découvrais ce jeune nepalais d'une vingtaine d'années, cachant son appareil pour prendre le cliché. Un moment volé, un moment que je partageais avec les autres volontaires, et que l'on a assombri dans mes souvenirs. Je ne m'y suis plus baignée les semaines suivantes. Et je pense à ce jeune homme, et les autres qui l'ont imité, qui regardent probablement souvent cette photo pour stimuler leur désir.

Je ressens un dégoût profond.

Dégoût de cette soirée où je sortais du bar karaoké avec Archie et Lars et recevait cet appel de Tessa*. N'entendant que du silence d'abord, puis les cris qui ont suivi. Ce souvenir détaillé du moment où je ne cessais de dire son nom, de comprendre où elle était, ce qu'il se passait et que la voix qui ne me répondait pas était apeurée et criait de manière désespérée. Dégoût de cet instant où mon amie a raccroché et qu'une infinité d'images ont défilés dans ma tête comme autant de possibilités. Cet instant où j'ai couru de toutes mes forces, faisant signe à Archie et Lars qui ne réagissait pas, et craignant de ne pas retrouver Tessa à temps. Tenter de la rappeler, hésiter à un carrefour, entendre ses pleurs, la retrouver, accroupie, tremblante, la tête entre ses bras comme un réflexe de protection. Apprendre qu'elle a été approchée par un pervers népalais qui n'aurait pas attendu le mariage pour la sauter.

Le pire a été évité. Mais faut-il attendre le pire pour parler de cet aspect de mon voyage auquel j'ai pensé tout le mois mais que je vous ai évoqué trop peu de fois. Cette soirée me hante, comme les appels, et pourtant la nuit précédente où j'étais moi-même seule dans les rues de Kathmandu, rien ne m'est arrivée. Alors que se passe-t-il dans la tête de cette voyageuse de l'autre bout du monde que je devrai quitter quelques heures plus tard pour rentrer à la maison et qui n'aura plus personne pour répondre à ses appels de détresse ? Que se passe-t-il dans la tête de ces milliers de népalaises qui se font abusées chaque jour et voient leur agresseur fuir en toute impunité ?

Ceci est un enjeu qui ne concerne pas que le Népal. Mais c'est encore dans ce pays que la femme doit être mariée avant ses 20 ans, souvent avec un inconnu de la même caste choisi par sa famille. Que la femme doit rester à la maison toute sa vie pour élever ses enfants ou est vendue lorsque la pauvreté l'oblige. Que la femme est contrainte de dormir dans la grange, dans le froid, sous la pluie parfois, entre une chèvre et un taureau, lorsqu'elle a ses menstruations. Que cette femme est considérée impure 7 jours par mois et rabaissée à l'état de bétail par sa propre famille. Une femme reste une femme, qu'elle soit népalaise ou étrangère le traitement est le même. Une française qui a participé à un autre volontariat l'expérimentera elle-même et m'en témoignera.

Voici la dernière précision que je voulais apporter avant de fermer définitivement le livre du Népal, Juin 2022. Mais si le voyage se termine avec un léger goût amer, je n'oublie pas les milliers de souvenirs positifs et les expériences vécues dans ce si beau pays.

Des paysages à couper le souffle, des rencontres chamboulantes, un Dal Bhat qui me manque. J'ai tant appris sur ce petit bout de la Terre, sur la vie, sur l'humain, sur moi-même. J'ai tant appris et je veux apprendre encore et encore. Je veux voyager, à l'autre bout du monde, ou plus près, mais ne pas cesser si je le peux. L'inconnu est partout et je souhaite découvrir toutes ses facettes. Je veux rencontrer encore plus de belles âmes et espère pouvoir être considérée comme telle. Népal, merci, merci pour tout, je ne manquerai pas de revenir te voir.

Sur ce j'ai pris l'avion, et je n'ai pas loupé ma correspondance. J'aurais peut-être préféré cette fois-ci 😉



*Nom changé à la demande de l'aventurière en question

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

East Africa 🌍 TANZANIE 🇹🇿 - 10 - Introduction à l'informatique.

East Africa 🌍 KENYA 🇰🇪 - 6 - Nairobi de nuit.